EHA 2019 : Leucémies aigues myéloblastiques (LAM): vers des traitements de plus en plus ciblés

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Depuis la EHA 2019
Dr Milena Kohn, hématologue au Centre Hospitalier de Versailles, Le Chesnay

 

L’arsenal thérapeutique des LAM, classiquement traitées par le régime « 3+7 » (3 jours de daunorubicine ou d’idarubine et 7 jours d’aracytine) s’est récemment étoffé de plusieurs nouveaux traitements.

Le gemtuzumab ozogamycin ou Mylotarg® est un anticorps dirigé contre le CD33 (un marqueur de surface fréquemment retrouvé sur les cellules leucémiques) couplé à un agent cytotoxique qui après internalisation va être libéré dans la cellule leucémique et entraîner sa mort. Initialement retiré du marché en 2010 pour des problèmes de toxicité, ce médicament a été réintroduit en 2018 depuis la publication de plusieurs études, menées notamment en France, qui ont montré une toxicité réduite avec un fractionnement des doses et un bénéfice en survie de ce traitement en association à la chimiothérapie dans certaines formes de LAM en première ligne et en rechute.

Le CPX-351 ou Vyxeos® est une formulation liposomale (c’est-à-dire dans une vésicule lipidique de synthèse) associant de la daunorubine et de l’aracytine permettant de délivrer à une concentration plus importante et avec une durée d’exposition plus importante la chimiothérapie aux cellules leucémiques. Ce traitement a montré son efficacité particulièrement chez les patients atteints de formes secondaires de LAM (ayant reçu des traitements cytotoxiques ou un syndrome myélodysplasique sous-jacent) sur le taux de rémission et la survie, conduisant à une autorisation de mise sur le marché en 2018.

La midostaurine ou Rydapt® est un inhibiteur oral de plusieurs kinases, efficace sur les formes de LAM avec mutation du gène FLT3.  L’étude RATIFY a montré que l’association de la midostaurine à la chimiothérapie standard améliorait la survie des patients avec mutations de FLT3 (environ 40% des patients avec une LAM), aboutissant à son autorisation de mise sur le marché en 2017 dans cette indication.

Le sorafenib ou Nexavar®, un autre inhibiteur multi-kinase utilisé dans le traitement de plusieurs cancers solides (fois, rein, thyroïde), a montré également son efficacité chez les patients de moins de 60 ans en combinaison avec la chimiothérapie en première ligne (étude SORAML) chez les patients de moins de 60 ans et en rechute en association aux agents hypométhylants.

D’autres inhibiteurs de kinases ciblant spécifiquement FLT3 sont en cours d’évaluation dans des essais cliniques en première ligne et en rechute : le quizartinib, le crenolanib et le gilteritinib.

EHA 2019 : Les résultats finaux de l’étude ADMIRAL ont montré chez des patients atteints de LAM avec mutation de FLT3 en rechute ou réfractaires une augmentation du taux de rémission et de la survie avec le gilteritinib seul versus une chimiothérapie de rattrapage.

L’ivosidenib et l’enasidenib (Idhifa®) sont des inhibiteurs oraux d’IDH1 et 2 dont les mutations sont retrouvées dans environ 8% et 12% des LAM respectivement et qui peuvent être utilisés en monothérapie dans les LAM en rechute ou réfractaires avec mutation d’IDH (ATU nominative depuis 2018).

Le venetoclax ou Venclyxto® est un inhibiteur de BCL-2 utilisé initialement dans d’autres hémopathies (leucémie lymphoïde chronique, myélome) et dont l’efficacité en association aux agents hypométhylants ou à l’aracytine faible dose a été démontrée récemment dans les LAM du sujet âgé en première ligne.

EHA 2019 : D’autres nouvelles molécules sont en cours d’évaluation dans les LAM. On pourra citer : un anticorps bispécifique anti CD33/CD3 (AMV564), un anticorps anti-CD47 (Hu5F9-G4) et le sélinexor (inhibiteur d’exportine oral).

 

Syndromes myélodysplasiques : des nouvelles pistes en cours d’étude

Le traitement des syndromes myélodysplasiques repose avant tout sur le score pronostique R-IPSS publié en 2012 (comprenant le taux d’hémoglobine, de polynucléaires neutrophiles et de plaquettes, le pourcentage de blastes médullaires et le caryotype) qui prédit le risque d’évolution leucémie aigue myéloblastique et la survie des patients.

Les patients dits de « faible risque » sont simplement surveillés régulièrement s’ils sont asymptomatiques. En cas d’anémie symptomatique (fatigue, essoufflement…), un traitement par érythropoïétine (EPO) peut être initié après dosage de l’EPO endogène (un taux inférieur à 200 UI/L est prédictif d’une bonne réponse au traitement).

Les patients avec délétion d’une partie du bras long du chromosome 5 (del5q) peuvent bénéficier d’un traitement par lénalidomide en cas d’échec de l’EPO.

Récemment, le luspatercept, un récepteur soluble de l’activine IIB, a montré son efficacité chez les patients en échec d’EPO et dépendants des transfusions, notamment dans les formes avec sidéroblastes en couronne et/ou mutation du gène SF3B1 (étude MEDALIST, présentée à l’ASH 2018).

EHA 2019 : Les résultats de l’étude IMerge ont montré l’intérêt de l’imetelstat, un inhibiteur de télomérase, chez les patients atteints de SMD de faible et dépendants des transfusions (étude randomisée contre placebo en cours).

Les patients dits de « haut risque » doivent être évalués pour l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, seul traitement curatif actuellement. Le traitement de première ligne est l’azacitidine (Vidaza®), un agent hypométhylant.

En cas d’échec, il n’y a pas de standard actuellement entre l’allogreffe et la chimiothérapie intensive et de nombreux essais cliniques sont en cours dans ce contexte.

EHA 2019 : Le rigosertib, un inhibiteur de la voie Ras, a montré une activité en association avec l’azacitidine chez les patients en première ligne ou après échec d’un traitement hypométhylant (phase 3 en cours).